Frédéric Bastiat
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Mugron, le 7 mars 1845.
De tous les témoignages que je pourrais ambitionner, celui que je viens de recevoir de vous m’est certainement le plus précieux. Même en faisant la part de la bienveillance dans les expressions si flatteuses pour moi que porte la première page de votre livre, je ne puis m’empêcher d’avoir la certitude que votre suffrage m’est acquis, sachant combien vous avez l’habitude de mettre d’accord votre langage avec votre pensée.
Dans mon extrême jeunesse, Monsieur, un heureux hasard mit dans mes mains le Censeur européen ; et je dois à cette circonstance la direction de mes études et de mon esprit. À la distance qui nous sépare de cette époque, je ne saurais plus distinguer ce qui est le fruit de mes propres méditations de ce que je dois à vos ouvrages, tant il me semble que l’assimilation a été complète. Mais n’eussiez-vous fait que me montrer dans la société et ses vertus, ses vues, ses idées, ses préjugés, ses circonstances extérieures, les vrais éléments des biens dont elle jouit et des maux qu’elle endure ; quand vous ne m’auriez appris qu’à ne voir dans les gouvernements et leurs formes que des résultats de l’état physique et moral de la société elle-même ; il n’en serait pas moins juste, quelques connaissances accessoires que j’aie pu acquérir depuis, d’en rapporter à vous et à vos collaborateurs la direction et le principe. C’est assez vous dire, Monsieur, que rien ne pouvait me faire éprouver une satisfaction plus vraie que l’accueil que vous avez fait à mes deux articles [1] du Journal des économistes, et la manière délicate dont vous avez bien voulu me l’exprimer. Votre livre [2] va devenir l’objet de mes études sérieuses, et c’est avec bonheur que j’y suivrai le développement de la distinction fondamentale à laquelle je faisais tout à l’heure allusion.
[1]: De l’influence des tarifs français et anglais sur l’avenir des deux peuples et Un économiste à M. de Lamartine.
[2]: De la liberté du travail, Paris : Guillaumin, 1845.
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