Frédéric Bastiat
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Mugron, 13 février 1848.
Mon cher Félix, je n’ai aucune de tes nouvelles, je ne sais où tu en es de ton procès ; je présume que l’arrêt n’est pas rendu, car tu me l’aurais fait savoir. Dieu veuille que la cour soit bien inspirée ! Plus je pense à cette affaire, plus il me semble que les juges ne peuvent conjecturer contre le droit commun ; dans le doute, l’éternelle loi de la justice (et même le Code) doit prévaloir.
La politique étouffe un peu notre affaire ; d’ailleurs il y a une conspiration du silence bien flagrante, elle a commencé avec notre journal. Si j’avais pu prévoir cela, je ne l’aurais pas fondé. Des raisons de santé m’ont forcé d’abandonner la direction de cette feuille. Je ne m’en occupais pas d’ailleurs avec plaisir, vu que le petit nombre de nos lecteurs, et la divergence des opinions politiques de nos collègues, ne me permettaient pas d’imprimer au journal une direction suffisamment démocratique ; il fallait laisser dans l’ombre les plus beaux aspects de la question.
Si le nombre des abonnés eût été plus grand, j’aurais pu faire de cette feuille ma propriété ; mais l’état de l’opinion s’y oppose, et puis ma santé est un obstacle invincible. Maintenant je pourrai travailler un peu plus capricieusement.
Je fais mon cours aux élèves de droit. Les auditeurs ne sont pas très-nombreux, mais ils viennent assidûment, et prennent des notes ; la semence tombe en bon terrain. J’aurais voulu pouvoir écrire ce cours, mais je ne laisserai probablement que des notes confuses.
Adieu, mon cher Félix, écris-moi, dis-moi où tu en es de tes affaires et de ta santé, il n’est pas impossible que j’aille vous voir avant longtemps ; mes souvenirs affectueux à ta bonne sœur.
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