Responsabilité

Frédéric Bastiat

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Chapitre XX des Harmonies Économiques

Il y a dans ce livre une pensée dominante ; elle plane sur toutes ses pages, elle vivifie toutes ses lignes. Cette pensée est celle qui ouvre le symbole chrétien : Je crois en Dieu.

Oui, s’il diffère de ceux de quelques économistes, c’est que ceux-ci semblent dire : « Nous n’avons guère foi en Dieu ; car nous voyons que les lois naturelles mènent à l’abîme. — Et cependant nous disons : Laissez faire ! parce que nous avons encore moins foi en nous-mêmes, et nous comprenons que tous les efforts humains pour arrêter le progrès de ces lois ne font que hâter la catastrophe. »

S’il diffère des écrits socialistes, c’est que ceux-ci disent : « Nous feignons bien de croire en Dieu ; mais au fond nous ne croyons qu’en nous-mêmes, — puisque nous ne voulons pas laisser faire, et que nous donnons tous chacun de nos plans sociaux comme infiniment supérieur à celui de la Providence. »

Je dis : Laissez faire, en d’autres termes, respectez la liberté, l’initiative humaine….[1]

 

Responsabilité, solidarité ; mystérieuses lois dont il est impossible, en dehors de la Révélation, d’apprécier la cause, mais dont il nous est donné d’apprécier les effets et l’action infaillible sur les progrès de la société : lois qui, par cela même que l’homme est sociable, s’enchaînent, se mêlent, concourent, encore qu’elles semblent parfois se heurter ; et qui demanderaient à être vues dans leur ensemble, dans leur action commune, si la science aux yeux faibles, à la marche incertaine, n’était réduite à la méthode, — cette triste béquille qui fait sa force tout en révélant sa faiblesse.

 

Nosce te ipsum. Connais-toi toi-même ; c’est, dit l’oracle, le commencement, le milieu et la fin des sciences morales et politiques.

Nous l’avons dit ailleurs : En ce qui concerne l’homme ou la société humaine, Harmonie ne peut signifier Perfection, mais Perfectionnement. Or la perfectibilité implique toujours, à un degré quelconque, l’imperfection dans l’avenir comme dans le passé. Si l’homme pouvait jamais entrer dans cette terre promise du Bien absolu, il n’aurait que faire de son intelligence, de ses sens, il ne serait plus l’homme.

Le Mal existe. Il est inhérent à l’infirmité humaine ; il se manifeste dans l’ordre moral comme dans l’ordre matériel, dans la masse comme dans l’individu, dans le tout comme dans la partie. Parce que l’œil peut souffrir et s’éteindre, le physiologiste méconnaîtra-t-il l’harmonieux mécanisme de cet admirable appareil ? Niera-t-il l’ingénieuse structure du corps humain, parce que ce corps est sujet à la douleur, à la maladie, à la mort, et parce que le Psalmiste, dans son désespoir, a pu s’écrier : « Ô tombe, vous êtes ma mère ! Vers du sépulcre, vous êtes mes frères et mes sœurs ! » — De même, parce que l’ordre social n’amènera jamais l’humanité au fantastique port du bien absolu, l’économiste refusera-t-il de reconnaître ce que cet ordre social présente de merveilleux dans son organisation, préparée en vue d’une diffusion toujours croissante de lumières, de moralité et de bonheur ?

 

Chose étrange qu’on conteste à la science économique le droit d’admiration qu’on accorde à la physiologie ! Car, après tout, quelle différence, au point de vue de l’harmonie, dans les causes finales, entre l’être individuel et l’être collectif ! — Sans doute l’individu naît, grandit, se développe, s’embellit, se perfectionne, sous l’influence de la vie, jusqu’à ce que soit venu le moment où d’autres flambeaux s’allumeront à ce flambeau. À ce moment tout en lui revêt les couleurs de la beauté ; tout en lui respire la joie et la grâce ; il est tout expansion, affection, bienveillance, amour, harmonie. Puis, pendant quelque temps encore, son intelligence s’élargit et s’affermit, comme pour guider, dans les tortueux sentiers de l’existence, celles qu’il y vient d’appeler. Mais bientôt sa beauté s’efface, sa grâce s’évanouit, ses sens s’émoussent, son corps décline, sa mémoire se trouble, ses idées s’affaiblissent, hélas ! et ses affections mêmes, sauf en quelques âmes d’élite, semblent s’imprégner d’égoïsme, perdent ce charme, cette fraîcheur, ce naturel sincère et naïf, cette profondeur, cet idéal, cette abnégation, cette poésie, ce parfum indéfinissable, qui sont le privilége d’un autre âge. Et malgré les précautions ingénieuses que la nature a prises pour retarder sa dissolution, précautions que la physiologie résume par le mot vis medicatrix, — seules et tristes harmonies dont il faut bien que cette science se contente, — il repasse en sens inverse la série de ses perfectionnements, il abandonne l’une après l’autre sur le chemin toutes ses acquisitions, il marche de privations en privations vers celle qui les comprend toutes. Oh ! le génie de l’optimisme lui-même ne saurait rien découvrir de consolant et d’harmonieux dans cette lente et irrémissible dégradation, à voir cet être, autrefois si fier et si beau, descendre tristement dans la tombe… La tombe !… Mais n’est-ce pas une porte à l’autre séjour !… C’est ainsi, quand la science s’arrête, que la religion renoue [2], même pour l’individu, dans une autre patrie, les concordances harmoniques interrompues ici-bas [3].

Malgré ce dénotiment fatal, la physiologie cesse-t-elle de voir, dans le corps humain, le chef-d’œuvre le plus accompli qui soit sorti des mains du Créateur ?

Mais si le corps social est assujetti à la souffrance, si même il peut souffrir jusqu’à en mourir, il n’y est pas fatalement condamné. Quoi qu’on en ait dit, il n’a pas en perspective, après s’être élevé à son apogée, un inévitable déclin. L’écroulement même des empires, ce n’est pas la rétrogradation de l’humanité ; et les vieux moules de la civilisation ne se dissolvent que pour faire place à une civilisation plus avancée. Les dynasties peuvent s’éteindre, les formes du pouvoir peuvent changer ; le genre humain n’en progresse pas moins. La chute des États ressemble à la chute des feuilles en automne. Elle fertilise le sol, se coordonne au retour du printemps, et promet aux générations futures une végétation plus riche et des moissons plus abondantes. Que dis-je ! même au point de vue purement national, cette théorie de la décadence nécessaire est aussi fausse que surannée. Il est impossible d’apercevoir dans le mode de vie d’un peuple aucune cause de déclin inévitable. L’analogie, qui a si souvent fait comparer une nation à un individu et attribuer à l’une comme à l’autre une enfance et une vieillesse, n’est qu’une fausse métaphore. Une communauté se renouvelle incessamment. Que ses institutions soient élastiques et flexibles, qu’au lieu de venir en collision avec les puissances nouvelles qu’enfante l’esprit humain, elles soient organisées de manière à admettre cette expansion de l’énergie intellectuelle et à s’y accommoder ; et l’on ne voit aucune raison pour qu’elle ne fleurisse pas dans une éternelle jeunesse. Mais, quoi qu’on pense de la fragilité et du fracas des empires, toujours est-il que la société, qui, dans son ensemble, se confond avec l’humanité, est constituée sur des bases plus solides. Plus on l’étudie, plus on reste convaincu qu’elle aussi a été pourvue, comme le corps humain, d’une force curative qui la délivre de ses maux, et qu’en outre elle porte dans son sein une force progressive. Elle est poussée par celle-ci vers un perfectionnement auquel on ne peut assigner de limites.

Si donc le mal individuel n’infirme pas l’harmonie physiologique, encore moins le mal collectif infirme-t-il l’harmonie sociale.

Mais comment concilier l’existence du mal avec l’infinie bonté de Dieu ? Ce n’est pas à moi d’expliquer ce que je ne comprends pas. Je ferai seulement observer que cette solution ne peut pas plus être imposée à l’économie politique qu’à l’anatomie. Ces sciences, toutes d’observation, étudient l’homme tel qu’il est, sans demander compte à Dieu de ses impénétrables secrets.

Ainsi, je le répète, dans ce livre harmonie ne répond pas à l’idée de perfection absolue, mais à celle de perfectionnement indéfini… Il a plu à Dieu d’attacher la douleur à notre nature, puisqu’il a voulu qu’en nous la faiblesse fût antérieure à la force, l’ignorance à la science, le besoin à la satisfaction, l’effort au résultat, l’acquisition à la possession, le dénûment à la richesse, l’erreur à la vérité, l’expérience à la prévoyance. Je me soumets sans murmurer à cet arrêt, ne pouvant d’ailleurs imaginer une autre combinaison. Que si, par un mécanisme aussi simple qu’ingénieux, il a pourvu à ce que tous les hommes se rapprochassent d’un niveau commun qui s’élève toujours, s’il leur assure ainsi, — par l’action même de ce que nous appelons le Mal, — et la durée et la diffusion du progrès, alors je ne me contente pas de m’incliner sous cette main aussi généreuse que puissante, je la bénis, je l’admire et je l’adore.

 

Nous avons vu surgir des écoles qui ont profité de l’insolubilité (humainement parlant) de cette question pour embrouiller toutes les autres, comme s’il était donné à notre intelligence finie de comprendre et de concilier les infinis. Plaçant à l’entrée de la science sociale cette sentence : Dieu ne peut vouloir le mal, elles arrivent à cette série de conclusions : « Il y a du mal dans la société, donc elle n’est pas organisée selon les desseins de Dieu. Changeons, changeons encore, changeons toujours cette organisation ; essayons, expérimentons jusqu’à ce que nous ayons trouvé une forme qui efface de ce monde toute trace de souffrance. À ce signe, nous reconnaîtrons que le règne de Dieu est arrivé. »

Ce n’est pas tout. Ces écoles sont entraînées à exclure de leurs plans sociaux la liberté au même titre que la souffrance, car la liberté implique la possibilité de l’erreur, et par conséquent la possibilité du mal. « Laissez-nous vous organiser, disent-elles aux hommes, ne vous en mêlez pas ; ne comparez, ne jugez, ne décidez rien par vous-mêmes et pour vous-mêmes ; nous avons en horreur le laissez faire, mais nous demandons que vous vous laissiez faire et que vous nous laissiez faire. Si nous vous conduisons au bonheur parfait, l’infinie bonté de Dieu sera justifiée. »

Contradiction, inconséquence, orgueil, on ne sait ce qui domine dans un tel langage.

Une secte, entre autres, fort peu philosophique, mais très-bruyante, promet à l’humanité un bonheur sans mélange. Qu’on lui livre le gouvernement de l’humanité, et par la vertu de quelques formules, elle se fait fort d’en bannir toute sensation pénible.

Que si vous n’accordez pas une foi aveugle à ses promesses, soulevant aussitôt ce redoutable et insoluble problème, qui fait depuis le commencement du monde le désespoir de la philosophie, elle vous somme de concilier l’existence du mal avec la bonté infinie de Dieu. Hésitez-vous ? elle vous accuse d’impiété.

Fourier épuise toutes les combinaisons de ce thème.

« Ou Dieu n’a pas su nous donner un code social d’attraction, justice, vérité, unité ; dans ce cas il est injuste en nous créant ce besoin sans avoir les moyens de nous satisfaire. »

« Ou il n’a pas voulu ; et dans ce cas il est persécuteur avec préméditation, nous créant à plaisir des besoins qu’il est impossible de contenter. »

« Ou il a su et n’a pas voulu ; dans ce cas il est l’émule du diable, sachant faire le bien et préférant le règne du mal. »

« Ou il a voulu et n’a pas su ; dans ce cas il est incapable de nous régir, connaissant et voulant le bien qu’il ne saura pas faire. »

« Ou il n’a ni su ni voulu ; dans ce cas il est au-dessous du diable, qui est scélérat et non pas bête. »

« Ou il a su et voulu ; dans ce cas le code existe, il a dû le révéler, etc. »

Et Fourier est le prophète. Livrons-nous à lui et à ses disciples ; la Providence sera justifiée, la sensibilité changera de nature, et la douleur disparaîtra de la terre.

Mais comment les apôtres du bien absolu, ces hardis logiciens qui vont sans cesse disant : « Dieu étant parfait, son œuvre doit être parfaite, » et qui nous accusent d’impiété parce que nous nous résignons à l’imperfection humaine, — comment, dis-je, ne s’aperçoivent-ils pas que, dans l’hypothèse la plus favorable, ils seraient encore aussi impies que nous ? — Je veux bien que, sous le règne de MM. Considérant, Hennequin, etc., pas un homme sur la surface de la terre ne perde sa mère ou ne souffre des dents, auquel cas il pourrait lui aussi chanter la litanie : Ou Dieu n’a pas su ou il n’a pas voulu ; — je veux que le mal redescende dans les abîmes infernaux à partir du grand jour de la révélation socialiste ; — qu’un de leurs plans, phalanstère, crédit gratuit, anarchie, triade, atelier social, etc., ait la vertu de faire disparaître tous les maux dans l’avenir. Aura-t-il celle d’anéantir la souffrance dans le passé ? Or l’infini n’a pas de limite ; et s’il y a eu sur la terre un seul malheureux depuis la création, cela suffit pour rendre le problème de l’infinie bonté de Dieu insoluble à leur point de vue.

Ne rattachons donc pas la science du fini aux mystères de l’infini. Appliquons à l’une l’observation et la raison ; laissons les autres dans le domaine de la révélation et de la foi.

Sous tous les rapports, à tous les points de vue, l’homme est imparfait. Sur cette terre du moins, il rencontre des limites dans toutes les directions et touche au fini par tous les points. Sa force, son intelligence, ses affections, sa vie n’ont rien d’absolu et tiennent à un appareil matériel sujet à la fatigue, à l’altération, à la mort.

Non-seulement cela est ainsi, mais notre imperfection est si radicale que nous ne pouvons même nous figurer une perfection quelconque en nous ni hors de nous. Notre esprit a si peu de proportion avec cette idée, qu’il fait de vains efforts pour la saisir. Plus il l’étreint, plus elle lui échappe et se perd en inextricables contradictions. Montrez-moi un homme parfait ; vous me montrerez un homme qui ne peut souffrir, qui par conséquent n’a ni besoins, ni désirs, ni sensations, ni sensibilité, ni nerfs, ni muscles ; qui ne peut rien ignorer, et par conséquent n’a ni attention, ni jugement, ni raisonnement, ni mémoire, ni imagination, ni cerveau ; en un mot vous me montrerez un être qui n’est pas.

Ainsi, sous quelque aspect que l’on considère l’homme, il faut voir en lui un être sujet à la douleur. Il faut admettre que le mal est entré comme ressort dans le plan providentiel ; et, au lieu de chercher les chimériques moyens de l’anéantir, il s’agit d’étudier son rôle et sa mission.

Quand il a plu à Dieu de créer un être composé de besoins et de facultés pour y satisfaire, ce jour-là il a été décidé que cet être serait assujetti à la souffrance ; car sans la souffrance nous ne pouvons concevoir les besoins, et sans les besoins nous ne pouvons comprendre ni l’utilité, ni la raison d’être d’aucune de nos facultés, — tout ce qui fait notre grandeur a sa racine dans ce qui fait notre faiblesse.

Pressés par d’innombrables impulsions, doués d’une intelligence qui éclaire nos efforts et apprécie leurs résultats, nous avons encore pour nous déterminer le libre arbitre.

Le libre arbitre implique l’erreur comme possible, et à son tour l’erreur implique la souffrance comme son effet inévitable. Je défie qu’on me dise ce que c’est que choisir librement, si ce n’est courir la chance de faire un mauvais choix ; et ce que c’est que faire un mauvais choix, si ce n’est se préparer une peine…

Et c’est pourquoi sans doute les écoles, qui ne se contentent de rien moins pour l’humanité que du bien absolu, sont toutes matérialistes et fatalistes. Elles ne peuvent admettre le libre arbitre. Elles comprennent que de la liberté d’agir naît la liberté de choisir ; — que la liberté de choisir suppose la possibilité d’errer ; — que la possibilié d’errer c’est la contingence du mal. — Or, dans la société artificielle telle que l’invente un organisateur, le mal ne peut paraître. Pour cela, il faut que les hommes y soient soustraits à la possibilité d’errer ; et le plus sûr moyen, c’est qu’ils soient privés de la liberté d’agir et de choisir ou du libre arbitre. On l’a dit avec raison, le socialisme c’est le despotisme incarné.

En présence de ces folies, on se demande en vertu de quoi l’organisateur ose penser, agir et choisir, non-seulement pour lui, mais pour tout le monde ; car enfin il appartient à l’humanité, et à ce titre il est faillible. — Il l’est d’autant plus qu’il prétend étendre plus loin la sphère de sa science et de sa volonté.

Sans doute l’organisateur trouve que l’objection pèche par sa base, en ce qu’elle le confond avec le reste des hommes. — Puisqu’il a reconnu les vices de l’œuvre divine et entrepris de la refaire, il n’est pas homme ; il est Dieu et plus que Dieu…

Le Socialisme a deux éléments : le délire de l’inconséquence et le délire de l’orgueil !

Mais dès que le libre arbitre, qui est le point de départ de toutes nos études, rencontre une négation, ne serait-ce pas ici le lieu de le démontrer ? Je m’en garderai bien : Chacun le sent, cela suffit. Je le sens, non pas vaguement, mais plus intimement cent fois que s’il m’était démontré par Aristote ou par Euclide. Je le sens à la joie de ma conscience quand j’ai fait un choix qui m’honore ; à ses remords, quand j’ai fait un choix qui m’avilit. En outre, je suis témoin que tous les hommes affirment le libre arbitre par leur conduite, encore que quelques-uns le nient dans leurs écrits. Tous comparent les motifs, délibèrent, se décident, se rétractent, cherchent à prévoir ; tous donnent des conseils, s’irritent contre l’injustice, admirent les actes de dévouement. Donc tous reconnaissent en eux-mêmes et dans autrui le libre arbitre, sans lequel il n’y a ni choix, ni conseils, ni prévoyance, ni moralité, ni vertu possibles. Gardons-nous de chercher à démontrer ce qui est admis par la pratique universelle. Il n’y a pas plus de fatalistes absolus même à Constantinople, qu’il n’y avait de sceptiques absolus même à Alexandrie. Ceux qui se disent tels peuvent être assez fous pour essayer de persuader les autres, — ils ne sont pas assez forts pour se convaincre eux-mêmes *. Ils prouvent très-subtilement qu’ils n’ont pas de volonté ; — mais puisqu’ils agissent comme s’ils en avaient une, ne disputons pas avec eux.

 

Nous voici donc placés au sein de la nature, au milieu de nos frères ; — pressés par des impulsions, des besoins, des appétits, des désirs, — pourvus de facultés diverses pour agir soit sur les choses, soit sur les hommes, — déterminés à l’action par notre libre arbitre, — doués d’une intelligence perfectible, partant imparfaite, et qui, si elle nous éclaire, peut aussi nous tromper sur les conséquences de nos actes.

Toute action humaine, — faisant jaillir une série de conséquences bonnes ou mauvaises, dont les unes retombent sur l’auteur même de l’acte, et dont les autres vont affecter sa famille, ses proches, ses concitoyens et quelquefois l’humanité tout entière, — met, pour ainsi dire, en vibration deux cordes dont les sons rendent des oracles : la Responsabilité et la Solidarité.

La responsabilité, c’est l’enchaînement naturel qui existe, relativement à l’être agissant, entre l’acte et ses conséquences ; c’est un système complet de Peines et de Récompenses fatales, qu’aucun homme n’a inventé, qui agit avec toute la régularité des grandes lois naturelles, et que nous pouvons par conséquent regarder comme d’institution divine. Elle a évidemment pour objet de restreindre le nombre des actions funestes, de multiplier celui des actions utiles.

Cet appareil à la fois correctif et progressif, à la fois rémunérateur et vengeur, est si simple, si près de nous, tellement identifié avec tout notre être, si perpétuellement en action, que non-seulement nous ne pouvons le nier, mais qu’il est, comme le mal, un de ces phénomènes sans lesquels toute vie est pour nous inintelligible.

La Genèse raconte que le premier homme ayant été chassé du paradis terrestre parce qu’il avait appris à distinguer le Bien et le Mal, sciens bonum et malum, Dieu prononça sur lui cet arrêt : In laboribus comedes ex terrâ cunctis diebus vitæ tuæ. — Spinas et tribulos germinabit tibi. — In sudore vultûs tui vesceris pane, donec revertaris in terram de quâ sumptus es : quia pulvis es et in pulverem reverteris.

Voilà donc le bien et le mal — ou l’humanité. Voilà les actes et les habitudes produisant des conséquences bonnes ou mauvaises — ou l’humanité. Voilà le travail, la sueur, les épines, les tribulations et la mort — ou l’humanité.

L’humanité, dis-je : car choisir, se tromper, souffrir, se rectifier, en un mot tous les éléments qui composent l’idée de responsabilité, sont tellement inhérents à notre nature sensible, intelligente et libre, ils sont tellement cette nature même, que je défie l’imagination la plus féconde de concevoir pour l’homme un autre mode d’existence.

Que l’homme ait vécu dans un Éden, in paradiso voluptatis, ignorant le bien et le mal, scientiam boni et mali, nous pouvons bien le croire, mais nous ne pouvons le comprendre, tant notre nature a été profondément transformée.

Il nous est impossible de séparer l’idée de vie de celle de sensibilité, celle de sensibilité de celle de plaisir et douleur, celle de plaisir et de douleur de celle de peine et récompense, celle d’intelligence de celle de liberté et choix, et toutes ces idées de celle de Responsabilité ; car c’est l’ensemble de toutes ces idées qui nous donne celle d’Être, de telle sorte que lorsque nous pensons à Dieu, la raison nous disant qu’il ne peut souffrir, elle reste confondue, tant l’être et la sensibilité sont pour nous inséparables.

Et c’est là sans doute ce qui fait de la Foi le complément nécessaire de nos destinées. Elle est le seul lien possible entre la créature et le Créateur, puisqu’il est et sera toujours pour la raison le Dieu incompréhensible, Deus absconditus.

Pour voir combien la responsabilité nous tient de près et nous serre de tous côtés, il suffit de donner son attention aux faits les plus simples.

Le feu nous brûle, le choc des corps nous brise ; si nous n’étions pas doués de sensibilité, ou si notre sensibilité n’était pas affectée péniblement par l’approche du feu et le rude contact des corps, nous serions exposés à la mort à chaque instant.

Depuis la première enfance jusqu’à l’extrême vieillesse, notre vie n’est qu’un long apprentissage. Nous apprenons à marcher à force de tomber ; nous apprenons par des expériences rudes et réitérées à éviter le chaud, le froid, la faim, la soif, les excès. Ne nous plaignons pas de ce que les expériences sont rudes ; si elles ne l’étaient pas, elles ne nous apprendraient rien.

Il en est de même dans l’ordre moral. Ce sont les tristes conséquences de la cruauté, de l’injustice, de la peur, de la violence, de la fourberie, de la paresse, qui nous apprennent à être doux, justes, braves, modérés, vrais et laborieux. L’expérience est longue ; elle durera même toujours, mais elle est efficace.

L’homme étant fait ainsi, il est impossible de ne pas reconnaître dans la responsabilité le ressort auquel est confié spécialement le progrès social. C’est le creuset où s’élabore l’expérience. Ceux donc qui croient à la supériorité des temps passés, comme ceux qui désespèrent de l’avenir, tombent dans la contradiction la plus manifeste. Sans s’en apercevoir, ils préconisent l’erreur, ils calomnient la lumière. C’est comme s’ils disaient : « Plus j’ai appris, moins je sais ; plus je discerne ce qui peut me nuire, plus je m’y exposerai. » Si l’humanité était constituée sur une telle donnée, il y a longtemps qu’elle eût cessé d’exister.

Le point de départ de l’homme c’est l’ignorance et l’inexpérience ; plus nous remontons la chaîne des temps, plus nous le rencontrons dépourvu de cette lumière propre à guider ses choix et qui ne s’acquiert que par un de ces moyens : la réflexion ou l’expérimentation.

Or il arrive que chaque acte humain renferme non une conséquence, mais une série de conséquences : Quelquefois la première est bonne et les autres mauvaises ; quelquefois la première est mauvaise et les autres bonnes. D’une détermination humaine il peut sortir des combinaisons de biens et de maux, en proportions variables. Qu’on nous permette d’appeler vicieux les actes qui produisent plus de maux que de biens, et vertueux ceux qui engendrent plus de biens que de maux.

Quand un de nos actes produit une première conséquence qui nous agrée, suivie de plusieurs autres conséquences qui nuisent, de telle sorte que la somme des maux l’emporte sur celle des biens, cet acte tend à se restreindre et à disparaître à mesure que nous acquérons plus de prévoyance.

Les hommes aperçoivent naturellement les conséquences immédiates avant les conséquences éloignées. D’où il suit que ce que nous avons appelé les actes vicieux sont plus multipliés dans les temps d’ignorance. Or la répétition des mêmes actes forme les habitudes. Les siècles d’ignorance sont donc le règne des mauvaises habitudes.

Par suite, c’est encore le règne des mauvaises lois, car les actes répétés, les habitudes générales constituent les mœurs sur lesquelles se modèlent les lois, et dont elles sont, pour ainsi parler, l’expression officielle.

Comment cesse cette ignorance ? Comment les hommes apprennent-ils à connaître les secondes, les troisièmes et jusqu’aux dernières conséquences de leurs actes et de leurs habitudes ?

Ils ont pour cela un premier moyen : c’est l’application de cette faculté de discerner et de raisonner qu’ils tiennent de la Providence.

Mais il est un moyen plus sûr, plus efficace, c’est l’expérience. — Quand l’acte est commis, les conséquences arrivent fatalement. La première est bonne, on le savait, c’est justement pour l’obtenir qu’on s’est livré à l’acte. Mais la seconde inflige une souffrance, la troisième une souffrance plus grande encore, et ainsi de suite.

Alors les yeux s’ouvrent, la lumière se fait. On ne renouvelle pas l’acte ; on sacrifie le bien de la première conséquence par crainte du mal plus grand que contiennent les autres. Si l’acte est devenu une habitude et si l’on n’a pas la force d’y renoncer, du moins on ne s’y livre qu’avec hésitation et répugnance, à la suite d’un combat intérieur. On ne le conseille pas, on le blâme ; on en détourne ses enfants. On est certainement dans la voie du progrès.

Si, au contraire, il s’agit d’un acte utile, mais dont on s’abstenait, — parce que la première conséquence, la seule connue, est pénible et que les conséquences ultérieures favorables étaient ignorées, — on éprouve les effets de l’abstention. Par exemple, un sauvage est repu. Il ne prévoit pas qu’il aura faim demain. Pourquoi travaillerait-il aujourd’hui ? Travailler est une peine actuelle, il n’est pas besoin de prévoyance pour le savoir. Donc il demeure dans l’inertie. Mais le jour fuit, un autre lui succède, il amène la faim ; il faut travailler sous cet aiguillon. — C’est une leçon qui souvent réitérée ne peut manquer de développer la prévoyance. Peu à peu la paresse est appréciée pour ce qu’elle est. On la flétrit ; on en détourne la jeunesse. L’autorité de l’opinion publique passe du côté du travail.

Mais pour que l’expérience soit une leçon, pour qu’elle remplisse sa mission dans le monde, pour qu’elle développe la prévoyance, pour qu’elle expose la série des effets, pour qu’elle provoque les bonnes habitudes et restreigne les mauvaises, en un mot pour qu’elle soit l’instrument propre du progrès et du perfectionnement moral, il faut que la loi de Responsabilité agisse. Il faut que les mauvaises conséquences se fassent sentir, et, lâchons le grand mot, il faut que momentanément le mal sévisse.

Sans doute, il vaudrait mieux que le mal n’existât pas ; — et cela serait peut-être si l’homme était fait sur un autre plan. — Mais l’homme étant donné avec ses besoins, ses désirs, sa sensibilité, son libre arbitre, sa faculté de choisir et de se tromper, sa faculté de mettre en action une cause qui renferme nécessairement des conséquences, qu’il n’est pas possible d’anéantir, tant que la cause existe ; la seule manière d’anéantir la cause, c’est d’éclairer le libre arbitre, de rectifier le choix, de supprimer l’acte ou l’habitude vicieuse ; et rien de cela ne se peut que par la loi de Responsabilité.

On peut donc affirmer ceci : l’homme étant ce qu’il est, le mal est non-seulement nécessaire, mais utile. Il a une mission ; il entre dans l’harmonie universelle. Il a une mission, qui est de détruire sa propre cause, de se limiter ainsi lui-même, de concourir à la réalisation du bien, de stimuler le progrès.

Éclaircissons ceci par quelques exemples pris dans l’ordre d’idées qui nous occupe, c’est-à-dire dans l’économie politique.

Épargne, Prodigalité.

Monopoles.

Population [4]

 

La Responsabilité se manifeste par trois sanctions :

La sanction naturelle. C’est celle dont je viens de parler. C’est la peine ou la récompense nécessaires que contiennent les actes et les habitudes.

La sanction religieuse. Ce sont les peines et les récompenses promises dans un autre monde aux actes et aux habitudes, selon qu’ils sont vicieux ou vertueux.

La sanction légale. Les peines et les récompenses préparées d’avance par la société.

De ces trois sanctions, j’avoue que celle qui me paraît fondamentale c’est la première. En m’exprimant ainsi, je ne puis manquer de heurter des sentiments que je respecte ; mais je demande aux chrétiens de me permettre de dire mon opinion.

Ce sera probablement le sujet d’un débat éternel, entre l’esprit philosophique et l’esprit religieux, de savoir si un acte est vicieux parce qu’une révélation venue d’en haut l’a déclaré tel, indépendamment de ses conséquences, — ou bien si cette révélation l’a déclaré vicieux parce qu’il produit des conséquences mauvaises.

Je crois que le christianisme peut se ranger à cette dernière opinion. Il dit lui-même qu’il n’est pas venu contrarier la loi naturelle, mais la renforcer. On ne peut guère admettre que Dieu, qui est l’ordre suprême, ait fait une classification arbitraire des actes humains, ait promis le châtiment aux uns et les récompenses aux autres, et cela sans aucune considération de leurs effets, c’est-à-dire de leur discordance ou de leur concordance dans l’harmonie universelle.

Quand il a dit : « Tu ne tueras point, — Tu ne déroberas point, » sans doute il avait en vue d’interdire certains actes parce qu’ils nuisent à l’homme et à la société, qui sont son ouvrage.

La considération des conséquences est si puissante sur l’homme, que, s’il appartenait à une religion qui défendît des actes dont l’expérience universelle révélerait l’utilité, ou qui ordonnât des habitudes dont la nuisibilité serait palpable, je crois que cette religion à la longue ne pourrait se soutenir et succomberait devant le progrès des lumières. Les hommes ne pourraient longtemps supposer en Dieu le dessein prémédité de faire le mal et d’interdire le bien.

La question que j’effleure ici n’a peut-être pas une grande importance à l’égard du christianisme, puisqu’il n’ordonne que ce qui est bien en soi et ne défend que ce qui est mauvais.

Mais ce que j’examine, c’est la question de savoir si, en principe, la sanction religieuse vient confirmer la sanction naturelle, ou si la sanction naturelle n’est rien devant la sanction religieuse, et doit lui céder le pas quand elles viennent à se contredire.

Or, si je ne me trompe, la tendance des ministres de la religion est de se préoccuper fort peu de la sanction naturelle. Ils ont pour cela une raison irréfutable : « Dieu a-ordonné ceci, Dieu a défendu cela. » Il n’y a plus à raisonner, car Dieu est infaillible et tout-puissant. L’acte ordonné amenât-il la destruction du monde, il faut marcher en aveugles, absolument comme vous feriez si Dieu vous parlait directement à vous-même et vous montrait le ciel et l’enfer.

Il peut arriver, même dans la vraie religion, que des actes innocents soient défendus sous l’autorité de Dieu. Par exemple, prélever un intérêt a été déclaré un péché. Si l’humanité s’était conformée à cette prohibition, il y a longtemps qu’elle aurait disparu du globe. Car, sans l’intérêt, il n’y a pas de capital possible ; sans le capital, il n’y a pas de concours du travail antérieur avec le travail actuel ; sans ce concours, il n’y a pas de société ; et sans société, il n’y a pas d’homme.

D’un autre côté, en examinant de près l’intérêt, on reste convaincu que non-seulement il est utile dans ses effets généraux, mais encore qu’il n’a rien de contraire à la charité ni à la vérité, — pas plus que les appointements d’un ministre du culte, et certainement moins que certaines parties du casuel.

Aussi toute la puissance de l’Église n’a pu suspendre une minute, à cet égard, la nature des choses. C’est tout au plus si elle est parvenue à faire déguiser, dans un nombre de cas infiniment petit, une des formes et la moins usuelle de l’intérêt.

De même pour les prescriptions. — Quand l’Évangile nous dit : « Si l’on te frappe sur une joue, présente l’autre, » il donne un précepte qui, pris au pied de la lettre, détruirait le droit de légitime défense dans l’individu et par conséquent dans la société. Or, sans ce droit, l’existence de l’humanité est impossible.

Aussi qu’est-il arrivé ? Depuis dix-huit siècles on répète ce mot comme un vain conventionnalisme.

Mais ceci est plus grave. Il y a des religions fausses dans ce monde. — Celles-ci admettent nécessairement des préceptes et des prohibitions en contradiction avec la sanction naturelle correspondant à tels ou tels actes. Or, de tous les moyens qui nous ont été donnés pour discerner, dans une matière aussi importante, le vrai du faux, et ce qui émane de Dieu de ce qui nous vient de l’imposture, aucun n’est plus certain, plus décisif, que l’examen des conséquences bonnes ou mauvaises qu’une doctrine peut avoir sur la marche et le progrès de l’humanité : a fructibus eorum cognoscetis eos.

Sanction légale. La nature ayant préparé tout un système de châtiments et de récompenses sous la forme des effets qui sortent nécessairement de chaque action et de chaque habitude, que doit faire la loi humaine ? Elle n’a que trois partis à prendre : laisser agir la Responsabilité, abonder dans son sens, ou la contrarier.

Il me semble hors de doute que lorsqu’une sanction légale est mise en œuvre, ce ne doit être que pour donner plus de force, de régularité, de certitude et d’efficacité à la sanction naturelle. Ce sont deux puissances qui doivent concourir et non se heurter.

Exemple : si la fraude est d’abord profitable à celui qui s’y livre, le plus souvent elle lui est funeste à la longue ; car elle nuit à son crédit, à sa considération, à son honneur. Elle crée autour de lui la défiance et le soupçon. En outre, elle est toujours nuisible à celui qui en est victime. Enfin, elle alarme la société, et l’oblige à user une partie de ses forces à des précautions onéreuses. La somme des maux l’emporte donc de beaucoup sur celle des biens. C’est ce qui constitue la Responsabilité naturelle, qui agit incessamment comme moyen préventif et répressif. On conçoit cependant que la communauté ne s’en remette pas exclusivement à l’action lente de la responsabilité nécessaire, et qu’elle juge à propos d’ajouter une sanction légale à la sanction naturelle. En ce cas, on peut dire que la sanction légale n’est que la sanction naturelle organisée et régularisée.

Elle rend le châtiment plus immédiat et plus certain ; elle donne aux faits plus de publicité et d’authenticité ; elle entoure le prévenu de garanties, lui donne une occasion régulière de se disculper s’il y a lieu, prévient les erreurs de l’opinion, et calme les vengeances individuelles en leur substituant la vindicte publique. Enfin, et c’est peut-être l’essentiel, elle ne détruit pas la leçon de l’expérience.

Ainsi on ne peut pas dire que la sanction légale soit illogique en principe, quand elle marche parallèlement à la sanction naturelle et concourt au même résultat.

Il ne s’ensuit pas cependant que la sanction légale doive, dans tous les cas, se substituer à la sanction naturelle, et que la loi humaine soit justifiée par cela seul qu’elle agit dans le sens de la Responsabilité.

 

La répartition artificielle des peines et des récompenses renferme en elle-même, à la charge de la communauté, une somme d’inconvénients dont il faut tenir compte. L’appareil de la sanction légale vient des hommes, fonctionne par des hommes, et est onéreux.

Avant de soumettre une action ou une habitude à la répression organisée, il y a donc toujours cette question à se poser :

Cet excédant de bien, obtenu par l’addition d’une répression légale à la répression naturelle, compense-t-il le mal inhérent à l’appareil répressif ?

Ou, en d’autres termes, le mal de la répression artificielle est-il supérieur ou inférieur au mal de l’impunité ?

Dans le cas du vol, du meurtre, de la plupart des délits et des crimes, la question n’est pas douteuse. Aussi, tous les peuples de la terre les répriment par la force publique.

Mais lorsqu’il s’agit d’une habitude difficile à constater, qui peut naître de causes morales dont l’appréciation est fort délicate, la question change ; et il peut très-bien arriver qu’encore que cette habitude soit universellement tenue pour funeste et vicieuse, la loi reste neutre et s’en remette à la responsabilité naturelle.

Disons d’abord que la loi doit prendre ce parti toutes les fois qu’il s’agit d’une action ou d’une habitude douteuse, quand une partie de la population trouve bon ce que l’autre trouve mauvais. Vous prétendez que j’ai tort de pratiquer le culte catholique ; moi je prétends que vous avez tort de pratiquer le culte luthérien. Laissons à Dieu le soin de juger. Pourquoi vous frapperais-je ou pourquoi me frapperiez-vous ? S’il n’est pas bon que l’un de nous frappe l’autre, comment peut-il être bon que nous déléguions à un tiers, dépositaire de la force publique, le soin de frapper l’un de nous pour la satisfaction de l’autre ?

Vous prétendez que je me trompe en enseignant à mon enfant les sciences naturelles et morales, je crois que vous avez tort d’enseigner exclusivement au vôtre le grec et le latin. Agissons de part et d’autre selon notre conscience. Laissons agir sur nos familles la loi de la Responsabilité. Elle punira celui de nous qui se trompe. N’invoquons pas la loi humaine ; elle pourrait bien punir celui qui ne se trompe pas.

Vous affirmez que je ferais mieux de prendre telle carrière, de travailler selon tel procédé, d’employer une charrue en fonte au lieu d’une charrue en bois, de semer clair au lieu de semer dru, d’acheter en Orient plutôt qu’en Occident. Je soutiens tout le contraire. — J’ai fait tous mes calculs ; en définitive, je suis plus intéressé que vous à ne pas me tromper sur des matières d’où dépendent mon bien-être, mon existence, le bonheur de ma famille, et qui n’intéressent que votre amour-propre ou vos systèmes. Conseillez-moi, mais ne m’imposez rien. Je me déciderai à mes périls et risques, cela suffit, et l’intervention de la loi serait ici tyrannique.

On voit que, dans presque tous les actes importants de la vie, il faut respecter le libre arbitre, s’en remettre au jugement individuel des hommes, à cette lumière intérieure que Dieu leur a donnée pour s’en servir, et après cela laisser la Responsabilité faire son œuvre.

L’intervention de la loi, dans des cas analogues, outre l’inconvénient très-grand de donner des chances à l’erreur autant qu’à la vérité, aurait encore l’inconvénient bien autrement grave de frapper d’inertie l’intelligence même, d’éteindre ce flambeau qui est l’apanage de l’humanité et le gage de ses progrès.

Mais alors même qu’une action, une habitude, une pratique est reconnue mauvaise, vicieuse, immorale par le bon sens public, quand il n’y a pas doute à cet égard, quand ceux qui s’y livrent sont les premiers à se blâmer eux mêmes, cela ne suffit pas encore pour justifier d’intervention de la loi humaine. Ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, il faut savoir de plus si, en ajoutant aux mauvaises conséquences de ce vice les mauvaises conséquences inhérentes à tout appareil légal, on ne produit pas, en définitive, une somme de maux, qui excède le bien que la sanction légale ajoute à la sanction naturelle.

Nous pourrions examiner ici les biens et les maux que peut produire la sanction légale appliquée à réprimer la paresse, la prodigalité, l’avarice, l’égoïsme, la cupidité, l’ambition.

Prenons pour exemple la paresse.

C’est un penchant assez naturel, et il ne manque pas d’hommes qui font écho aux Italiens quand ils célèbrent le dolce far niente, et à Rousseau quand il dit : Je suis paresseux avec délices. Il n’est donc pas douteux que la paresse ne procure quelque satisfaction, sans quoi il n’y aurait pas de paresseux au monde.

Cependant, il sort de ce penchant une foule de maux, à ce point que la Sagesse des nations a pu signaler l’Oisiveté comme la mère de tous les vices.

Les maux surpassent infiniment les biens ; et il faut que la loi de la Responsabilité naturelle ait agi, en cette matière, avec quelque efficacité, soit comme enseignement, soit comme aiguillon, puisqu’en fait le monde est arrivé par le travail au point de civilisation où nous le voyons de nos jours.

Maintenant, soit comme enseignement, soit comme aiguillon, qu’ajouterait à la sanction providentielle une sanction légale ? — Supposons une loi qui punisse les paresseux. Quel est au juste le degré d’activité dont cette loi accroîtrait l’activité nationale ?

Si l’on pouvait le savoir, on aurait la mesure exacte du bienfait de la loi. J’avoue que je ne puis me faire aucune idée de cette partie du problème. Mais il faut se demander à quel prix ce bienfait serait acheté ; et, pour peu qu’on y réfléchisse, on sera disposé à croire que les inconvénients certains de la répression légale surpasseraient de beaucoup ses avantages problématiques.

En premier lieu, il y a en France trente-six millions de citoyens. Il faudrait exercer sur tous une surveillance rigoureuse ; les suivre aux champs, à l’atelier, au sein du foyer domestique. Je laisse à penser le nombre de fonctionnaires, le surcroît d’impôts, etc.

Ensuite, ceux qui sont aujourd’hui laborieux, et Dieu merci le nombre en est grand, ne seraient pas moins que les paresseux soumis à cette inquisition insupportable. C’est un inconvénient immense de soumettre cent innocents à des mesures dégradantes pour punir un coupable que la nature se charge de punir.

Et puis, quand commence la paresse ? Dans chaque cas soumis à la justice, il faudra une enquête des plus minutieuses et des plus délicates. Le prévenu était-il réellement oisif, ou bien prenait-il un repos nécessaire ? Était-il malade, en méditation, en prière, etc. ? Comment apprécier toutes ces nuances ? Avait-il forcé son travail du matin pour se ménager un peu de loisir le soir ? Que de témoins, que d’experts, que de juges, que de gendarmes, que de résistances, que de délations, que de haines !…

Vient le chapitre des erreurs judiciaires. Que de paresseux échapperont ! et, en compensation, que de gens laborieux iront racheter en prison, par une inactivité d’un mois, leur inactivité d’un jour !

Ce que voyant, et bien d’autres choses, on s’est dit : Laissons faire la Responsabilité naturelle. Et on a bien fait.

Les socialistes, qui ne reculent jamais devant le despotisme pour arriver à leurs fins, — car ils ont proclamé la souveraineté du but, — ont flétri la Responsabilité sous le nom d’individualisme ; puis ils ont essayé de l’anéantir et de l’absorber dans la sphère d’action de la Solidarité étendue au delà de ses limites naturelles.

Les conséquences de cette perversion des deux grands mobiles de la perfectibilité humaine sont fatales. Il n’y a plus de dignité, plus de liberté pour l’homme. Car du moment que celui qui agit ne répond plus personnellement des suites bonnes ou mauvaises de son acte, son droit d’agir isolément n’existe plus. Si chaque mouvement de l’individu va répercuter la série de ses effets sur la société tout entière, l’initiative de chaque mouvement ne peut plus être abandonnée à l’individu ; elle appartient à la société. La communauté seule doit décider de tout, régler tout : éducation, nourriture, salaires, plaisirs, locomotion, affections, familles, etc., etc. — Or la société s’exprime par la loi, la loi c’est le législateur. Donc voilà un troupeau et un berger, — moins que cela encore, une matière inerte et un ouvrier. On voit où mène la suppression de la Responsabilité et de l’individualisme.

Pour cacher cet effroyable but aux yeux du vulgaire, il fallait flatter, en déclamant contre l’égoïsme, les plus égoïstes passions. Le socialisme a dit aux malheureux : « N’examinez pas si vous souffrez en vertu de la loi de Responsabilité. Il y a des heureux dans le monde, et, en vertu de la loi de Solidarité, ils vous doivent le partage de leur bonheur. » Et pour aboutir à cet abrutissant niveau d’une solidarité factice, officielle, légale, contrainte, détournée de son sens naturel, on érigeait la spoliation en système, on faussait toute notion du juste, on exaltait ce sentiment individualiste, — qu’on était censé proscrire, — jusqu’au plus haut degré de puissance et de perversité. Ainsi tout s’enchaîne : négation des harmonies de la liberté dans le principe, — despotisme et esclavage en résultat, — immoralité dans les moyens.

 

Toute tentative pour détourner le cours naturel de la responsabilité est une atteinte à la justice, à la liberté, à l’ordre, à la civilisation ou au progrès.

À la justice. Un acte ou une habitude étant donnés, les conséquences bonnes ou mauvaises s’ensuivent nécessairement. Oh ! s’il était possible de supprimer ces conséquences, il y aurait sans doute quelque avantage à suspendre la loi naturelle de la responsabilité. Mais le seul résultat auquel on puisse arriver par la loi écrite, c’est que les conséquences bonnes d’une action mauvaise soient recueillies par l’auteur de l’acte, et que les conséquences mauvaises retombent sur un tiers, ou sur la communauté ; — ce qui est certes le caractère spécial de l’injustice.

Ainsi les sociétés modernes sont constituées sur ce principe que le père de famille doit soigner et élever les enfants auxquels il a donné le jour. — Et c’est ce principe qui maintient dans de justes bornes l’accroissement et la distribution de la population, chacun se sentant en présence de la responsabilité. Les hommes ne sont pas tous doués du même degré de prévoyance, et [5], dans les grandes villes, à l’imprévoyance se joint l’immoralité. Maintenant il y a tout un budget et une administration pour recueillir les enfants que leurs parents abandonnent ; aucune recherche ne décourage cette honteuse désertion, et une masse toujours croissante d’enfants délaissés inonde nos plus pauvres campagnes.

Voici donc un paysan qui s’est marié tard pour n’être pas surchargé de famille, et qu’on force à nourrir les enfants des autres. — Il ne conseillera pas à son fils la prévoyance. Cet autre a vécu dans la continence, et voilà qu’on lui fait payer pour élever des bâtards. — Au point de vue religieux sa conscience est tranquille, mais au point de vue humain il doit se dire qu’il est un sot…..

Nous ne prétendons pas aborder ici la grave question de la charité publique, nous voulons seulement faire cette remarque essentielle que plus l’État centralise, plus il transforme la responsabilité naturelle en solidarité factice, plus il ôte à des effets, qui frappent dès lors ceux qui sont étrangers à la cause, leur caractère providentiel de justice, de châtiment et d’obstacle préventif.

Quand le gouvernement ne peut pas éviter de se charger d’un service qui devrait être du ressort de l’activité privée, il faut du moins qu’il laisse la responsabilité aussi rapprochée que possible de celui à qui naturellement elle incombe.

Ainsi, dans la question des enfants trouvés, le principe étant que le père et la mère doivent élever l’enfant, la loi doit épuiser tous les moyens pour qu’il en soit ainsi. — À défaut des parents, que ce soit la commune ; — à défaut de la commune, le département. Voulez-vous multiplier à l’infini les enfants trouvés ? Déclarez que l’État s’en charge. Ce serait bien pis encore, si la France nourrissait les enfants chinois ou réciproquement…

C’est une chose singulière, en vérité, qu’on veuille faire des lois pour dominer les maux de la responsabilité ! N’apercevra-t-on jamais que ces maux on ne les anéantit pas, on les détourne seulement ? Le résultat est une injustice de plus et une leçon de moins…

Comment veut-on que le monde se perfectionne, si ce n’est à mesure que chacun remplira mieux ses devoirs ? Et chacun ne remplira-t-il pas mieux ses devoirs à mesure qu’il aura plus à souffrir en les violant ? Si l’action sociale avait à s’immiscer dans l’œuvre de la responsabilité, ce devrait être pour en seconder et non en détourner, en concentrer et non en éparpiller au hasard les effets.

On l’a dit : l’opinion est la reine du monde. Assurément pour bien gouverner son empire, il faut qu’elle soit éclairée ; et elle est d’autant plus éclairée que chacun des hommes qui concourent à la former aperçoit mieux la liaison des effets aux causes. Or rien ne fait mieux sentir cet enchaînement que l’expérience, et l’expérience, comme on le sait, est toute personnelle ; elle est le fruit de la responsabilité.

Il y a donc, dans le jeu naturel de cette grande loi, tout un système précieux d’enseignements auquel il est très-imprudent de toucher.

Que si vous soustrayez, par des combinaisons irréfléchies, les hommes à la responsabilité de leurs actes, ils pourront bien encore être instruits par la théorie, — mais non plus par l’expérience. Et je ne sais si une instruction que l’expérience ne vient jamais consolider et sanctionner n’est pas plus dangereuse que l’ignorance même…

Le sens de la responsabilité est éminemment perfectible.

C’est un des plus beaux phénomènes moraux. Il n’est rien que nous admirions plus dans un homme, une classe ou une nation, que le sens de la responsabilité ; il indique une grande culture morale et une exquise sensibilité aux arrêts de l’opinion. Mais il peut arriver que le sens de la responsabilité soit très-développé en une matière et très-peu en une autre. En France, dans les classes élevées, on mourrait de honte si on était surpris trichant au jeu ou s’adonnant solitairement à la boisson. On en rit parmi les paysans. Mais trafiquer de ses droits politiques, exploiter son vote, se mettre en contradiction avec soi-même, crier tour à tour : Vive le Roi ! vive la Ligue ! * selon l’intérêt du moment… Ce sont des choses qui n’ont rien de honteux dans nos mœurs.

Le développeraient du sens de la responsabilité a beaucoup à attendre de l’intervention des femmes.

Elles y sont extrêmement soumises… Il dépend d’elles de créer cette force moralisatrice parmi les hommes ; car il leur appartient de distribuer efficacement le blâme et l’éloge… Pourquoi ne le font-elles pas ? parce qu’elles ne savent pas assez la liaison des effets aux causes en morale…

La morale est la science de tout le monde, mais particulièrement des femmes, parce qu’elles font les mœurs…

[1]: … parce que je crois qu’une impulsion supérieure la dirige, parce que Dieu ne pouvant agir dans l’ordre moral que par l’intermédiaire des intérêts et des volontés, il est impossible que la résultante naturelle de ces intérêts, que la tendance commune de ces volontés, aboutisse au mal définitif : — car alors ce ne serait pas seulement l’homme ou l’humanité qui marcherait à l’erreur ; c’est Dieu lui-même, impuissant ou mauvais, qui pousserait au mal sa créature avortée.

Nous croyons donc à la liberté, parce que nous croyons à l’harmonie universelle, c’est-à-dire à Dieu. Proclamant au nom de la foi, formulant au nom de la science les lois divines, souples et vivantes, du mouvement moral, nous repoussons du pied ces institutions étroites, gauches, immobiles, que des aveugles jettent tout à travers l’admirable mécanisme. Du point de vue de l’athée, il serait absurde de dire : laissez faire le hasard ! Mais nous, croyants, nous avons le droit de crier : laissez passer l’ordre et la justice de Dieu ! Laissez marcher librement cet agent du moteur infaillible, ce rouage de transmission qu’on appelle l’initiative humaine ! — Et la liberté ainsi comprise n’est plus l’anarchique déification de l’individualisme ; ce que nous adorons, par delà l’homme qui s’agite, c’est Dieu qui le mène.

Nous savons bien que l’esprit humain peut s’égarer : oui, sans doute, de tout l’intervalle qui sépare une vérité acquise d’une vérité qu’il pressent. Mais puisque sa nature est de chercher, sa destinée est de trouver. Le vrai, remarquons-le, a des rapports harmoniques, des affinités nécessaires non-seulement avec la forme de notre entendement et les instincts de notre cœur, mais aussi avec toutes les conditions physiques et morales de notre existence ; en sorte que, lors même qu’il échapperait à l’intelligence de l’homme comme vrai absolu, à ses sympathies innées comme juste, ou comme beau à ses aspirations idéales, il finirait encore par se faire accepter sous son aspect pratique et irrécusable d’utile.

Nous savons que la liberté peut mener au Mal. — Mais le Mal a lui-même sa mission. Dieu ne l’a certes pas jeté au hasard devant nos pas pour nous faire tomber ; il l’a placé en quelque sorte de chaque côté du chemin que nous devions suivre, afin qu’en s’y heurtant l’homme fût ramené au bien par le mal même.

Les volontés, comme les molécules inertes, ont leur loi de gravitation. Mais, — tandis que les êtres inanimés obéissent à des tendances préexistantes et fatales, — pour les intelligences libres, la force d’attraction et de répulsion ne précède pas le mouvement ; elle naît de la détermination volontaire qu’elle semble attendre, elle se développe en vertu de l’acte même, et réagit alors pour ou contre l’agent, par un effort progressif de concours ou de résistance qu’on appelle récompense ou châtiment, plaisir ou douleur. Si la direction de la volonté est dans le sens des lois générales, si l’acte est bon, le mouvement est secondé, le bien-être en résulte pour l’homme. — S’il s’écarte au contraire, s’il est mauvais, quelque chose le repousse ; de l’erreur naît la souffrance, qui en est le remède et le terme. Ainsi le Mal s’oppose constamment au Mal, comme le Bien provoque incessamment le Bien. Et l’on pourrait dire que, vus d’un peu haut, les écarts du libre arbitre se bornent à quelques oscillations, d’une amplitude déterminée, autour d’une direction supérieure et nécessaire ; toute rébellion persistante qui voudrait forcer cette limite n’aboutissant qu’à se détruire elle-même, sans parvenir à troubler en rien l’ordre de sa sphère.

Cette force réactive de concours ou de répulsion, qui par la récompense et la peine régit l’orbite à la fois volontaire et fatale de l’humanité, cette loi de gravitation des êtres libres (dont le Mal n’est que la moitié nécessaire), se manifeste par deux grandes expressions, — la Responsabilité et la Solidarité : l’une qui fait retomber sur l’individu, — l’autre qui répercute sur le corps social les conséquences bonnes ou mauvaises de l’acte : l’une qui s’adresse à l’homme comme à un tout solitaire et autonome, — l’autre qui l’enveloppe dans une inévitable communauté de biens et de maux, comme élément partiel et membre dépendant d’un être collectif et impérissable, l’Humanité. — Responsabilité, sanction de la liberté individuelle, raison des droits de l’homme, — Solidarité, preuve de sa subordination sociale et principe de ses devoirs…

(Un feuillet manquait au manuscrit de Bastiat. On me pardonnera d’avoir essayé de continuer la pensée de cette religieuse introduction.) R. F.

[2]: Religion (religare, relier), ce qui rattache la vie actuelle à la vie future, les vivants aux morts, le temps à l’éternité, le fini à l’infini, l’homme à Dieu.

[3]: Ne dirait-on pas que la justice divine, si incompréhensible quand on considère le sort des individus, devient éclatante quand on réfléchit sur les destinées des nations ? La vie de chaque homme est un drame qui se noue sur un théâtre et se dénoue sur un autre ; mais il n’en est pas ainsi de la vie des nations. Cette instructive tragédie commence et finit sur la terre. Voilà pourquoi l’histoire est une lecture sainte ; c’est la justice de la Providence.

(De Custines, La Russie.)

[4]: Les développements intéressants que l’auteur voulait présenter ici, par voie d’exemples, et dont il indiquait d’avance le caractère, il ne les a malheureusement pas écrits. Le lecteur pourra y suppléer en se reportant au chapitre XVI de ce livre, ainsi qu’aux chapitres VII et XI du pamphlet Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, t. V, pages 363 et 383.

(Note de l’éditeur des Œuvres complètes.)

[5]: La fin de ce chapitre n’est plus guère qu’une suite de notés jetées sur le papier sans transitions ni développements.

(Note de l’éditeur des Œuvres complètes.)

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