L’agitation en Écosse.

Frédéric Bastiat

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Du 8 au 18 janvier 1844.

Nous croyons devoir donner ici un compte rendu succinct des travaux de la Ligue en Écosse, du 8 au 18 janvier 1844.

Rien ne nous semble plus propre à donner une idée de la puissance de l’association, de la vie politique qu’elle fait circuler dans le corps social, et de son influence sur la diffusion des lumières. Comment ne pas admirer l’activité prodigieuse, le dévouement infatigable des Cobden, des Bright, des Thompson ? Et quel est le but de tant d’efforts ? propager, vulgariser un grand principe.

Nous aurions pu choisir toute autre semaine de l’année : elle nous aurait montré la même énergie. On devinera aisément pourquoi nous avons préféré suivre la Ligue en Écosse. — Il existe en France un préjugé contre les économistes anglais. On y est imbu de l’idée que s’ils proclament le principe de la liberté commerciale, s’ils paraissent même travailler à la réaliser dans la pratique, tout cela n’est que ruse, hypocrisie, machiavélisme. On répète contre l’agitation commerciale ce qu’on a dit contre l’agitation abolitionniste. Ce sont des démonstrations, dit-on, qui cachent un but secret et funeste aux intérêts des nations. Le caractère écossais est beaucoup moins impopulaire, et c’est le motif pour lequel j’ai, de préférence, rendu compte de l’agitation en Écosse. On sera peut-être bien aise de voir comment sont accueillis les principes de la liberté du commerce, sur cette terre loyale, parmi ce peuple éclairé, qui a le premier entendu la grande voix d’Adam Smith.

CARLISLE.

Extrait du Carlisle Journal, 8 janvier 1844.

Lundi soir, 8 janvier, il y a eu un thé à la salle de l’Athénée. L’objet de cette réunion était de recevoir une députation du conseil de la Ligue, et d’activer la souscription nationale (the League fund of l. s. 100,000).

Le meeting a commencé à 6 heures, sous la présidence de M. Joseph Fergusson. Vers 8 heures, M. John Bright, m. P., est entré dans la salle et a été reçu par des applaudissements enthousiastes. On remarquait dans cette réunion les principaux négociants et manufacturiers de la cité, et un grand nombre de dames.

Le président, après avoir exposé l’objet de la réunion, donne la parole à M. Bright.

M. Bright s’exprime avec sa vigueur et son éloquence accoutumée. Le cadre que nous nous sommes imposé ne nous permet pas de donner ici ce remarquable discours.

M. Pierre Dixon soumet au meeting la résolution suivante :

« Le meeting exprime son inaltérable confiance en la Ligue, et s’engage à l’aider de tous ses efforts dans sa grande lutte pour la liberté commerciale. »

Nous remarquons dans le discours de M. Dixon le passage suivant :

« J’ai été grandement désappointé par le bill de réforme électorale qui a tant agité ce pays. Nous avons eu un Parlement réformé, et qu’a-t-il fait ? Au lieu de veiller aux intérêts des masses, les représentants n’ont paru s’occuper que de leurs propres intérêts. Qu’a fait lord Grey, si ce n’est procurer des places à ses cousins ? (Rires ; écoutez !) Nous lui devons sans doute le bill de réforme, mais il en a fait un mauvais usage, et cette mesure m’a, je le répète, extrêmement désappointé. Mais pendant que le Parlement oublie les souffrances du peuple, la Ligue s’est levée pure de tout esprit de parti. C’est l’esprit de parti qui ruine le pays, et nous venons d’entendre les membres de la Ligue déclarer leur ferme détermination d’en finir avec toutes ces questions de factions et de personnes. Le bon sens et la vérité prévaudront. À eux appartient l’empire du monde. Je sens une profonde reconnaissance envers ces hommes qui sacrifient généreusement leur temps et leur tranquillité à l’avancement de notre cause. À peine M. Bright a-t-il vu ses foyers depuis un an. Nous ne saurions trop honorer de tels services, puisqu’ils sont au-dessus de nos forces. »

Plusieurs autres orateurs se font entendre. — À la fin de la séance, on procède à la souscription. Elle s’élève à 403 l. s. — Nous remarquons sur la liste M. Marshal, m. P., pour 40 l. s.

GLASGOW.

Banquet pour le soutien des principes de la liberté commerciale.

Extrait du Glasgow-Argus, 10 janvier 1844.

Cette grande et imposante démonstration, en faveur de la liberté commerciale, et spécialement du rappel des lois-céréales, a eu lieu mercredi soir, 10 de ce mois, dans la salle de la Cité (City hall). Ainsi que nous l’avions prévu, jamais l’ouest de l’Écosse n’avait vu une semblable manifestation de l’opinion publique ; jamais, à Glasgow, réunion n’avait présenté de tels caractères de distinction, d’ordre, de lumières et d’énergie. La vaste salle contenait plus de deux mille personnes, cent cinquante dames occupaient la galerie de l’ouest.

Le fauteuil était tenu par l’honorable lord prévôt.

Nous avons remarqué sur l’estrade MM. Fox Maule, m. P., James Oswald, m. P., le col. Thompson, le Rév. M. Moore, John Bright, m. P., Arch. Hastie, m. P., le prévôt Bain, et une foule d’autres personnages.

Lecture est faite des lettres d’excuses adressées par MM. Dunfermline, m. P., lord Kinnaird, m. P., Villiers, m. P., Stewart, m. P., Georges Duncan, m. P.

Ces honorables représentants ont été empêchés, malgré leur désir, d’assister au banquet de Glasgow, soit parce qu’ils sont appelés à d’autres meetings, qui ont pour objet la même cause, soit pour d’autres motifs.

Sur la demande du lord prévôt, le doct. Wardlaw, dans une belle et touchante prière, appelle sur l’assemblée la bénédiction divine.

Le lord prévôt est accueilli par des applaudissements enthousiastes, lorsqu’il se lève pour proposer le premier toast.

« Messieurs, dit-il, c’est avec une profonde satisfaction que j’occupe le fauteuil dans cette circonstance. Il y a longtemps que les principes de la liberté commerciale ont prévalu parmi les citoyens de Glasgow et beaucoup d’entre eux, vers la fin du dernier siècle, soutinrent avec zèle les saines doctrines si admirablement exposées et développées par l’immortel Adam Smith, lorsqu’il occupait une des chaires de notre Université. (Applaudissements.) Je suis heureux de voir qu’aujourd’hui les négociants et les manufacturiers si éclairés de cette cité prennent un intérêt toujours croissant à cette grande cause qui embrasse toutes les autres, savoir : l’abolition de tous les monopoles, — et rien ne peut m’être plus agréable que de remplir mon devoir de premier magistrat de la cité, en prêtant aide et assistance, quand l’occasion s’en présente, à ces réformes qui ont pour objet le bien-être des classes ouvrières et la prospérité de cette métropole commerciale de l’Écosse. »

Après quelques observations, le lord prévôt conclut en ces termes :

« Je vous invite à vous joindre à moi pour rendre hommage à notre gracieuse souveraine. La vie de son père, ses propres sentiments ne nous laissent aucun doute que nous avons en elle une amie éclairée de toute mesure qui tend au bien-être, à la prospérité et au bonheur du peuple. À la reine ! » (Applaudissements prolongés. Toute l’assemblée se lève et reste debout pendant que l’orchestre exécute l’hymne national.)

M. Fox Maule, représentant de Perth, — après quelques réflexions, porte le second toast :

« À la liberté des échanges ! Messieurs, je ne m’étendrai pas sur ces grands principes qui, s’ils vivent quelque part, doivent vivre surtout dans cette cité qui, la première, entendit les leçons d’Adam Smith. Ils pénètrent de jour en jour, et avec tant de force dans les esprits, qu’il serait inutile et pour ainsi dire déplacé, de les développer devant vous. Je considère que le but de cette réunion est d’examiner en commun les idées pratiques qui pourront nous être soumises sur le mode à la fois le plus prompt, le plus efficace et le plus sûr de faire enfin pénétrer ces principes dans notre gouvernement et notre législature. Vous admettez, je crois, que le vieux système des protections spéciales, alors même qu’on pourrait lui attribuer quelques effets momentanément favorables, n’est pas la base sur laquelle doivent reposer les grands intérêts permanents de ce pays. Le monopole est une plante qu’on peut à la rigueur élever en serre chaude, mais qui ne saurait enfoncer profondément ses racines dans notre sol, et exposer ses branches à tous les vents de notre climat. Nous sommes des hommes libres. Pourquoi n’aurions-nous pas un commerce libre ? (Bruyants applaudissements.) La raison dit que ce système est le meilleur, le plus propre à répandre le bien-être parmi les hommes, qui met toutes les denrées du monde à notre portée et laisse refluer les produits de notre travail sur tous les points de la terre. »

L’orateur traite la question dans ses rapports avec l’agriculture ; il témoigne toute son admiration pour les utiles efforts de la Ligue, et termine en portant ce toast :

« À la liberté du commerce ; à la chute du monopole qui est le fléau du pays et du peuple. » (Applaudissements enthousiastes.)

Le lord prévôt porte la santé de la députation de la Ligue. M. Cobden remercie et prononce un discours qui fait sur l’assemblée une profonde impression.

M. Alexandre Graham : « Aux ministres de la religion qui se sont réunis à la cause de la liberté du commerce. Dans le cours de ces dernières années, deux appels ont été faits au clergé. La première fois, sept cents ministres dissidents de toutes les dénominations se sont réunis à Manchester, et plus de neuf cents, dans leurs lettres d’excuse, ont donné leur approbation à l’objet de la Ligue. La seconde réunion, de plus de deux cents ministres, eut lieu à Edimbourg. »

L’orateur, dans un discours que nous supprimons à regret, examine les causes qui tiennent le clergé de l’Église établie éloigné de ce grand mouvement. — Il traite ensuite la question de la liberté commerciale, au point de vue religieux.

Le Rév. doct. Heugh : « Au progrès des connaissances, nécessaire et seule garantie de l’extension et de la permanence des institutions libres. » (Immenses applaudissements. Ce magnifique texte fait le sujet d’un discours du rév. ministre, qui est écouté avec recueillement.)

D’autres discours sont prononcés par MM. Bright, Thompson, Oswald, Hastie. La souscription de Glasgow, au fonds de la Ligue, paraît devoir s’élever à plus de 3,000 l. s. (125,000 fr.)

L’assemblée se sépare à 8 heures du soir.

GRAND MEETING D’ÉDIMBOURG POUR LE SOUTIEN DE LA LIGUE.

Extrait du Scotchman, 11 janvier 1844.

Mardi, 11 de ce mois, un grand meeting a eu lieu dans cette cité, pour recevoir la députation de la Ligue, composée de MM. Cobden, Bright, le col. Thompson et Moore. — L’objet spécial de la réunion était de concourir à la souscription au fonds de la Ligue (the 100,000 l. League fund). La salle de la Société philharmonique, la plus vaste d’Édimbourg, était entièrement occupée, et, faute de places, plus de mille billets d’entrée ont dû être refusés.

On remarquait dans l’assemblée les citoyens les plus éclairés et les plus influents, un grand nombre de dames et trente-quatre ministres du culte. Le très-honorable lord prévôt occupait le fauteuil. Les villes de Leith, Dalkeith, Musselburgh avaient envoyé des députations.

Nous ne fatiguerons pas le lecteur par la traduction des discours prononcés dans cette mémorable séance. Nous nous bornerons à reproduire un passage du discours de M. Cobden, parce qu’il répond à un argument que l’on oppose souvent à l’affranchissement du commerce, aussi bien de ce côté que de l’autre côté de la Manche.

« Tout le monde, ou du moins toutes les personnes dont l’opinion a quelque poids, s’accordent sur ce point, que le principe de la liberté des échanges est le principe du sens commun, et que, considéré d’une manière abstraite, il est aussi juste qu’incontestable. (Assentiment.) Mais lorsque vous sommez ces personnes de réaliser dans la pratique des principes dont, en théorie, elles reconnaissent si volontiers la justice et la vérité, on vous objecte que les circonstances du pays s’y opposent. Quelles sont ces circonstances ? D’abord, nous dit-on, par l’ancienneté de la protection, le pays se trouve dans une situation économique tout artificielle. À cela je réponds que si nous sommes dans une situation artificielle, c’est que nous y avons été amenés par des lois arbitraires contraires aux lois de la nature. Nous ne pouvons remédier à ce mal qu’en revenant aux lois naturelles et en mettant notre législation en harmonie avec les desseins visibles de la divine Providence. — Ensuite, on allègue que la dette publique et l’Echiquier imposent à l’Angleterre de lourdes charges, » etc.

PERTH.

Extrait du Perthshire-Advertiser, 12 janvier 1844.

Selon l’avis qui en avait été donné, un grand meeting public a eu lieu mercredi, 12 de ce mois, dans une des églises de cette ville (North-United secession church), pour entendre MM. Cobden, Thompson et Moore, députés de la Ligue nationale. Plus de deux mille personnes étaient présentes, presque toutes appartenant aux classes moyennes, et l’on a remarqué l’attention soutenue que les fermiers et les agriculteurs, venus de tous les points du comté, ont prêtée aux discours qui ont occupé une séance de plus de quatre heures.

M. Maule, m. P., occupait le fauteuil.

Nous ne pouvons rapporter ici les discours prononcés par MM. Maule, Cobden, lord Kinnaird, M’Kinloch, Moore, etc. — Cependant, comme les arguments qu’on fait valoir en faveur du monopole, sous le nom de protection, sont les mêmes en France qu’en Angleterre, nous croyons devoir citer de courts extraits du discours de M. Cobden, où quelques-uns de ces arguments sont heureusement réfutés.

« Les fermiers et les ouvriers de campagne ont plus souffert que tous autres des lois-céréales, et, à cet égard, j’invoque le témoignage de ceux d’entre eux qui m’écoutent. Depuis 1815, époque où passa cette loi, la Chambre des communes ne s’est pas réunie moins de six fois en comité pour s’enquérir de la détresse agricole, et, depuis 1837, elle a été solennellement proclamée cinq fois dans le discours de la reine à l’ouverture du Parlement. J’ai parcouru le pays dans tous les sens ; j’ai assisté à une multitude de meetings ; partout j’ai posé aux fermiers cette question : « Avez-vous, dans un certain nombre d’années, et avec un capital donné, réalisé autant de profits que les personnes engagées dans des industries qui ne reçoivent pas de protection, tels que les drapiers, carrossiers, épiciers, » etc. — Partout, invariablement, on m’a fait la même réponse: « Non, l’industrie agricole est la moins rémunérée. » Si le fait est incontestable, il doit avoir une cause, et comme ce ne peut être l’absence de la protection, c’est sans doute la protection elle-même. Pour moi, je crois qu’il est mauvais de taxer l’industrie ; il n’y a qu’une chose qui soit pire, c’est de la protéger. (Applaudissements.) Montrez-moi une industrie protégée, et je vous montrerai une industrie qui languit. Si l’on accordait, par exemple, des priviléges aux épiciers qui habitent tel quartier, pensez-vous que les propriétaires des maisons n’en exigeraient pas de plus forts loyers ? Ils le feraient indubitablement ; et c’est ce qu’ont fait les landlords, à l’égard des fermiers, sous le manteau de la loi-céréale. Un pauvre fermier gallois, nommé John Jonnes, a parfaitement expliqué le jeu de cette loi. Il disait: « La loi a promis aux fermiers des prix parlementaires. Sur cette promesse, les fermiers ont promis aux seigneurs des rentes parlementaires. Mais à la halle, le prix parlementaire ne s’est presque jamais réalisé, et il n’en a pas moins fallu acquitter la rente parlementaire. » Toute la question-céréale est là.

« Pour persuader aux fermiers qu’ils ne peuvent soutenir la concurrence étrangère, on leur dit qu’ils ont de lourdes taxes à payer, et cela est vrai. Ils payent la taxe des routes, mais ils ont les routes, et je puis vous assurer que les fermiers russes et polonais voudraient bien en avoir au même prix. Essayez de porter vos denrées au marché, par monts et par vaux et à dos de mulet, et vous vous convaincrez que l’argent mis sur les chemins n’est pas perdu, mais placé, et placé à bon intérêt. — Ils payent encore la taxe des pauvres et les taxes ecclésiastiques ; mais il y a aussi des prêtres et des pauvres sur le continent. »

M. Cobden cite plusieurs exemples pour démontrer que les industries libres prospèrent mieux que les industries protégées.

« Voyez la laine ; c’est un fait notoire que c’est, depuis qu’elle n’est plus favorisée, une branche beaucoup plus lucrative que la culture du froment. — Voyez le lin. Pendant que M. Warnes se donnait beaucoup de mouvement, dépensait beaucoup d’encre et de paroles pour prouver que le fermier anglais ne pouvait soutenir la concurrence du dehors, lui-même substituait, et avec succès, la culture du lin, qui n’est pas protégée, à celle du froment, qui est l’objet de tant de prédilections législatives…

« Quant aux avantages que la loi-céréale est censée conférer aux simples ouvriers des campagnes, j’avance ce fait, et je défie qui que ce soit de le contredire : c’est que les salaires vont toujours diminuant à mesure qu’on s’éloigne des districts manufacturiers et qu’on s’enfonce au cœur des districts agricoles. En arrivant dans le Dorsetshire, le plus agricole et par conséquent le plus protégé de tous les comtés, on trouve le taux des salaires fixé à 6 sh. par semaine. Pour moi, je donne 12 sh. au moindre de mes ouvriers. J’en ai qui gagnent 20, 30 et même 35 sh. Mais quant à ceux qui ne donnent que le travail le plus brut, qui ne font que ce que tout homme peut faire, ils reçoivent au moins 12 sh. — Je n’en tire pas vanité. Ce n’est ni par plaisir ni par philanthropie que j’accorde ce taux ; je le fais parce que c’est le taux établi par la libre concurrence. Voilà un fait général qui ne permet plus de dire que la loi-céréale favorise l’ouvrier des campagnes. (Écoutez ! écoutez !) — Mais j’aperçois ici bon nombre d’ouvriers des fabriques. Quant à eux, il est certain que la loi-céréale les dépouille, sans aucune compensation, et j’expliquerai comment cela se fait : il y a une certaine doctrine à l’usage des ignorants imberbes, selon laquelle les salaires peuvent être fixés par acte du Parlement. Je mettrai en lumière et cette doctrine et le caractère de la loi-céréale, par une anecdote qui se rapporte à un fait parlementaire qui m’est personnel. Lorsque sir Robert Peel présenta la dernière loi-céréale à la Chambre des communes, loi qui avait pour but avoué de maintenir le prix du blé à 56 sh., ainsi que l’auteur le déclare expressément, je fis, par voie d’amendement, cette motion : Qu’il est expédient, avant de fixer le prix du pain par acte du Parlement, de rechercher les moyens de fixer aussi un taux relatif des salaires qui soit en harmonie avec ce prix artificiel des aliments. » Proposition bien raisonnable, à ce qu’il me paraît, mais qui fut combattue par MM. Peel, Gladstone et leurs collègues, au dedans et au dehors des Chambres, par cette réponse : « Oh ! nous ne pouvons régler ou fixer le prix du travail, cela est au-dessus de notre puissance. Le taux des salaires s’établit par la concurrence sur le marché du monde. » — Néanmoins, quoique je reconnusse la validité de ce raisonnement, comme je le crois aussi bien applicable au blé qu’au travail, et que je n’aime pas à voir des règles différentes appliquées à des cas intrinsèquement identiques, j’insistai pour que ma motion fût mise aux voix ; et elle fut soutenue par vingt ou trente membres qui pensaient, comme moi, que le taux des salaires devait être positivement fixé, si l’on était décidé à dépouiller l’ouvrier, par un prix des aliments artificiellement élevé. Mais, ainsi que je m’y attendais, les monopoleurs de la Chambre refusèrent de faire une franche et loyale application de leur propre principe, et tous, jusqu’au dernier, votèrent contre ma motion. — Sans doute, il est incontestable que le régulateur naturel des salaires, c’est le marché, la concurrence, le rapport de l’offre à la demande. Mais n’est-il pas évident que le blé doit être soumis à la même règle, et valoir plus ou moins, selon les besoins d’une part et la faculté de payer de l’autre ? Qu’on laisse donc le prix du blé s’établir dans le même marché où le travail est contraint de chercher sa rémunération. Oh ! qui pourrait sonder la profonde immoralité de ces hommes qui s’adjugent à eux-mêmes un certain prix pour leur blé, et qui néanmoins refusent de fixer un prix proportionnel pour les salaires qui doivent acheter ce blé ? » (Applaudissements prolongés.)

GREENOCK.

Extrait du Greenock-Advertiser, 15 janvier 1844.

Lundi, 15 de ce mois, une députation de la Ligue, composée de M. Bright, m. P., et du col. Thompson, a assisté à un grand meeting tenu à la chapelle de…

Le prévôt occupait le fauteuil.

Des discours ont été prononcés par MM. Steete, Stewart, m. P., col. Thompson, Bright, Robert Wallace, m. P.

Nous avons remarqué, dans le discours du colonel Thompson, la démonstration suivante, qui présente, sous une forme sensible, les inconvénients des lois restrictives.

« Suivons vos marchandises sur les marchés étrangers, et observons ce qui arrive. Je suppose que vous les envoyez à Hambourg. Le capitaine débarque, et, s’adressant à un négociant de cette ville, il lui dit : « J’amène de Greenock tant de balles de marchandises que je désire vendre. — Bien, dit le marchand, je vous en donnerai dix thalers. — J’accepte, répond le capitaine ; et maintenant que pourrais-je acheter avec dix thalers, car je désire revenir à Greenock avec un chargement de retour ? — Je trouve, dit le Hambourgeois, que le blé est à meilleur marché ici qu’en Angleterre ; achetez du blé. — Oh ! répond le capitaine, je ne puis pas rapporter du blé, car nous avons dans notre pays une loi qui le défend. — Eh bien ! prenez du bois de construction. — Nous avons encore une loi qui l’empêche. — Dieu me pardonne ! s’écrie le Hambourgeois, je crois que, vous autres Anglais, vous repoussez les choses qui vous sont les plus nécessaires, et n’admettez que ce qui ne vous est bon à rien, des sifflets et des cure-dents, peut-être. (Éclats de rire.) — Je crains bien qu’il n’en soit ainsi, reprend l’Anglais, et je vois que ce que j’ai de mieux à faire, c’est de m’en retourner sur lest et de ne plus remettre les pieds à Hambourg. » — C’est ainsi que prennent fin nos relations avec Hambourg, et successivement avec les autres ports étrangers. — Et ne voyez-vous pas que le chargeur de Greenock sera forcé de limiter sa fabrication plus qu’il n’aurait fait, si son capitaine lui eût porté de meilleures nouvelles ? Que si la fabrication se ralentit, le travail est moins demandé, les salaires sont plus dépréciés, en même temps que les subsistances renchérissent ? » etc…

ABERDEEN.

Extrait de l’Aberdeen-Herald, 15 janvier 1844.

La démonstration en faveur de la Ligue a dépassé tout ce que l’on pouvait attendre. Lundi, 15 de ce mois, deux meetings ont été tenus, l’un le matin, l’autre le soir, et, dans l’un et l’autre, l’accueil le plus enthousiaste a été fait à MM. Cobden et Moore. Le meeting du matin a eu lieu dans la vaste salle du théâtre, qui s’est trouvée cependant trop étroite pour le grand nombre de citoyens distingués qui désiraient assister à la séance. Rien n’égale l’intérêt qu’a excité le discours clair et nerveux de M. Cobden, et nous avons pu remarquer que des hommes, qui prennent rarement part à des démonstrations publiques, joignaient chaleureusement leurs applaudissements à ceux de la foule.

Le soir, les classes ouvrières et laborieuses affluaient à la salle de la Société de Tempérance, et nous avons entendu dire à M. Cobden qu’il n’avait jamais parlé devant un auditoire plus attentif et plus intelligent.

Nous avons assisté à bien des meetings publics, nous avons entendu tous les grands orateurs de l’époque, mais nous devons dire que jamais nous n’avons assisté à un spectacle plus imposant et plus instructif que celui qui a été offert aujourd’hui à la population d’Aberdeen. (Suit le compte rendu de la séance.)

DUNDEE.

16 janvier 1844.

Mardi soir, 16 du courant, une soirée a été donnée, dans le cirque royal, à MM. Cobden et Moore, députés de la Ligue nationale. M. Edouard Baxter, esquire, occupait le fauteuil.

Les orateurs qui se sont fait entendre, outre MM. Cobden et Moore, sont MM. Baxter, James Brow, lord Kinnaird, Georges Duncan, m. P., etc.

PAISLEY.

Extrait du Glasgow-Argus, 16 janvier 1844.

Mardi soir, 16 de ce mois, une soirée a eu lieu, dans une des églises dissidentes de Paisley (secession church), à l’effet d’accueillir MM. Thompson et Bright, membres de la Ligue, et sous la présidence du prévôt Henderson. Nous avons remarqué sur l’estrade MM. Stewart, Wallace et Hastie, membres du Parlement, et un grand nombre de ministres du culte.

Nous croyons devoir nous dispenser de donner en détail le compte rendu de ce meeting, ainsi que de ceux qui suivent, pour éviter de dépasser les bornes que nous nous sommes prescrites.

AYR.

Extrait de l’Ayr-Advertiser.

Mardi matin, 16 de ce mois, un grand meeting public a été tenu au théâtre de cette ville, sous la présidence du prévôt Miller pour entendre MM. Bright et Thompson, membres de la Ligue.

MONTROSE.

Extrait du Montrose-Review, 16 janvier 1844.

MM. Cobden et Moore, de passage dans cette ville, pour se rendre d’Aberdeen à Dundee, ont été sollicités de s’arrêter quelques heures dans l’objet de tenir un meeting public. Malgré la brièveté du temps qu’avaient devant eux les amis de la liberté commerciale, une telle affluence s’est portée à Guild-Hall, à l’heure désignée, que le meeting a dû immédiatement se transporter à George Free Church. Le prévôt Paton a été unanimement appelé au fauteuil.

Après un discours de M. Cobden, qui a fait sur l’assemblée une profonde impression, M. Alexandre Watson fait cette motion :

« Que le meeting approuve hautement les infatigables travaux de la Ligue, et en particulier les virils et nobles efforts de MM. Cobden et Moore, pour propager les principes de la liberté commerciale ; et que, pour offrir aux citoyens de Montrose l’occasion de contribuer au fonds de la Ligue, il nomme, à l’effet de recueillir les souscriptions, une commission composée de MM. etc. »

La motion est votée à l’unanimité.

FORFAR.

Le même journal rend compte du meeting tenu à Forfar, le samedi 10 janvier, à l’occasion de la présence en cette ville, de MM. Cobden et Moore. Les honorables députés de la Ligue n’ont pas eu plutôt accédé aux vives instances qui leur étaient adressées pour qu’ils s’arrêtassent un moment à Forfar, que toute la population a été convoquée à l’église de la paroisse au son du tambour. Les fonctions de président étaient remplies par le Rév. ministre, M. Lowe, etc.

KILMARNOCK.

Un grand meeting a été tenu dans cette ville, le mardi 16 janvier 1844, à l’effet d’entendre M. Bright et le colonel Thompson, membres de la Ligue.

CUPAR.

Extrait du Fife-Sentinel, 18 janvier 1844.

L’annonce de la visite d’une députation de la Ligue avait excité au plus haut degré l’intérêt du comté. Des délégations de toutes les villes environnantes s’étaient rendues à Cupar. — MM. Cobden et Moore sont arrivés le 18, à 2 heures. Le meeting avait été convoqué à l’église de Westport ; mais cet édifice étant insuffisant à contenir la foule qui se pressait, il a été décidé qu’on se transporterait dans Old-Church.

Le prévôt Nicol occupait le fauteuil.

LEITH.

Extrait du Caledonian-Mercury, 19 janvier 1844.

Un meeting nombreux a été tenu, vendredi soir 19 du courant, dans Relief-Church. MM. Cobden, Thompson, Moore, ont été écoutés avec l’intérêt le plus manifeste et la plus vive sympathie, etc.

DUMFRIES.

Extrait du Dumfries-Courrier, 17 janvier 1844.

Ce journal rend compte du meeting tenu le mercredi 17 janvier, à l’occasion de la visite de MM. Bright et Thompson ; il présente le même caractère que les précédents.

 

Si nous avons donné au lecteur cette nomenclature aride des nombreux meetings que la députation de la Ligue a provoqués en Écosse, pendant un séjour de si courte durée, c’est que nous sommes nous-même convaincu qu’en France, comme en Angleterre, comme dans tous les pays constitutionnels, le seul moyen d’emporter une grande question, c’est d’éclairer et de passionner le public. Notre but a été d’appeler l’attention sur l’activité et l’énergie que déploie la Ligue, et dont les premiers résultats se montrent aujourd’hui aux yeux de l’Europe étonnée dans le plan financier de sir Robert Peel.

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