Frédéric Bastiat
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Il y a quelque temps, une question était ainsi posée :
La loi mettra-t-elle ceux qui vendent la viande à même de se faire payer, en sus du prix, une subvention par ceux qui la mangent ?
Nous peignîmes le profond étonnement d’un jeune officier de marine qui, revenant d’un long voyage, apprit que les Débats étaient contre et le National pour la subvention.
Aujourd’hui une autre question se présente :
Le laboureur du Midi, le tisserand du Nord payeront-ils une contribution pour accroître les profits des danseuses de l’Opéra ?
Un grave magistrat et un journal populaire ont donné leur avis.
— Ah ! sans doute, le journal populaire a repoussé cette ridicule injustice et le grave magistrat l’a défendue ?
— Point ; c’est tout l’opposé.
— Diable ! Ceci est trop fort. Ou les artistes de l’Opéra ont du talent ou ils n’en ont pas. S’ils en ont, leurs profits sont assez honnêtes, et l’on en connaît qui, se faisant cent mille francs de rente, affichent le luxe le plus scandaleux. S’ils n’ont pas de talent, pourquoi seraient-ils subventionnés par le paysan et le tisserand qui ne les verront jamais ? N’est-il pas bien naturel que ceux qui fréquentent l’Opéra en fassent les frais ?
— C’est ce que disait le magistrat.
— Mais pourquoi le National a-t-il appuyé la subvention ?
— Peut-être parce que le magistrat l’a attaquée.
— Il doit y avoir quelque autre motif. Faites-moi part de vos conjectures.
— Quand on est journal populaire, on doit courir après la popularité. Or, il y a deux moyens infaillibles de l’atteindre. L’un, c’est de pousser aux dépenses, l’autre, de combattre les recettes.
— Mais c’est contradictoire.
— Qu’importe ! Le monde ne se compose que de deux classes : celle qui vit d’abus et celle qui les paye. En poussant aux dépenses, on se concilie la première ; en combattant les recettes, on se fait bien venir de la seconde.
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